Les limites de la vente sur internet

La France fait elle bien de vouloir limiter la vente de médicaments par internet à ceux en libre accès? Libre à chacun de se faire son opinion, en tout cas j’espère que cet article va vous faire réfléchir. En effet, incroyable mais vrai, j’ai réussi à me procurer dix boites de donormyl en quelques clics seulement sur une epharmacie française: Pharma GDD.com

Samedi après midi, après de longues heures de procrastination je me décide enfin à me replonger dans ma « thèse ». Pour l’occasion je me motive à tester le processus de commande du site http://www.pharma-gdd.com (j’ai déjà testé avec succès celui de lasante.net dès son ouverture – il fera l’objet d’un article très prochainement).

Je sélectionne un produit de para puis rendez vous dans la rubrique médicaments. La catégorie « détente, sommeil » m’ouvre alors ses portes. Je clique sur le produit Donormyl qui est superbement affublé de la mention « CONSEIL » – gardez le en tête nous y reviendrons. Je tente d’en ajouter dix à mon panier en me disant qu’ils ont forcément prévu le coup. Ok – la vente est bien limitée quantitativement – au nombre de … 5 boites maxi. (vous en connaissez vous des pharmacies qui délivrent cinq boites de Donormyl sans connaître le patient?). Mais ce n’est pas tout, il existe deux versions du Donormyl (une en comprimé et l’autre effervescente)  je tente d’en ajouter également 5 me disant que la limite de 5 concernait les molécules et non pas les boites. Perdu – je peux de nouveau ajouter cinq boites à mon panier. A noter que cette limite de cinq boites semble être affectée à tous les médicaments présents sur ce site.

Me voilà donc avec mon panier contenant un produit de para + 10 boites de somnifères. Je valide, et  je paie via paypal. Quelques minutes plus tard je reçois ma facture par mail.

Les commandes ne sont pas traitées le weekend sur ce site, je dois attendre lundi matin pour voir ma commande « en préparation ». Je me tiens prés de mon téléphone, assuré de recevoir au moins un coup de fil pour s’assurer de mon identité ou du moins de mon âge. Ou dans le meilleur des cas, un appel pour m’annoncer que leur système informatique présente une faille et que ma commande doit être annulée. Rien – une demi-heure plus tard un mail m’avertit que ma commande vient d’être expédiée. – ne jamais faire confiance à l’informatique quand la santé des gens est en jeu ^^

48 heures se sont écoulées, ce mercredi matin je me rends dans ma boite au lettre et là surprise mon colis m’attend. Dessus je peux lire « Colissimo expert – remise contre signature ». [Une signature? merci le concierge. ]
A l’intérieur du colis, mes dix boites de Donormyl en parfait état. Je m’apprête à jeter le carton quand j’aperçois tout au fond de la boite une feuille de papier qui ressemble à une facture. Et c’est là, sur ce bout de papier que se trouve le fameux « conseil » pharmaceutique dont il est fait mention sur leur site. (je sais – je titille un peu puisque « Conseil » désigne une catégorie de médicaments sans ordonnance, mais pourquoi a t’elle ce nom après tout?) Je vous laisse vous délecter de cette prose sur les photos ci-dessous. On peut noter la magnifique utilisation du panneau « Attention ».

(j’ai vérifié sur le site de l’ordre, les initiales présentes en signature correspondent bien à une pharmacienne adjointe de la pharmacie – c’est déjà çà).

Ci-dessous le déballage en photos.

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Je ne débattrai pas de l’intérêt de ce médicament ici ce n’est pas le sujet. Mode naïf – Après cela dépend peut-être des régions mais par chez moi on ne délivre rarement plus de trois boites d’un coup (un/jour pendant un mois – bien que ce soit un traitement « occasionnel »). Ici, je parle juste de bon sens et constate des faits.

Maintenant, refaisons l’histoire. Ce qui suit est purement fictif et sacrément tiré par les cheveux mais devrait en faire réfléchir plus d’un.

Je m’appelle Joel, j’ai 14 ans. Suite à une déception amoureuse – mon petit copain Nico vient de me quitter –  j’ai des idées suicidaires. Aprés quelques recherches sur internet, je m’aperçois qu’un médicament pour dormir –  assez fort visiblement est en vente libre dans les pharmacies (merci les ménagères et doctisimmo.fr). Je pars donc en ville dans une pharmacie (pas la même que celle que fréquente habituellement mes parents bien sûr). Je demande ce fameux médicament, mais la dame au comptoir ne me connait pas et ne crois pas en mon mensonge (c’est pour ma mamie elle a l’habitude) et me demande le numéro de ma grand mère pour l’appeler. Je rentre donc chez moi bredouille. Je me reconnecte sur internet, et découvre qu’il est en vente sur des sites. Grâce à la publicité offerte par France Télévision (« c’est une ENORME pharmacie »), je me rends sur un site. Je crée un compte en mentant sur mon âge et en mettant un faux numéro de téléphone. Il ne me faut que quelques minutes pour trouver une astuce me permettant d’acheter dix boites d’un coup. Au moment de payer, gros doute – si j’utilise la carte bleue de mes parents ils vont forcément s’en apercevoir. Heureusement j’ai un compte paypal – bien garni d’ailleurs depuis que j’ai revendu mon premier personnage de World Of Warcraft sur un forum. Je choisis la livraison en Colissimo  elle arrivera sans doute mercredi matin, et mes parents ne seront pas là – au pire de toute manière je raconte au concierge que je dois recevoir un nouveau jeu pour ma console et lui demande de signer à la place de mes parents… La suite on la connait: pas d’appel téléphonique, pas de vérification d’identité, – un cocktail détonnant. Joël rigole en lisant le petit mot d’encouragement qu’il a trouvé en voulant jeter la facture – « merci grâce à vous mes problèmes ne persisteront pas longtemps »…

Alors certes la petite histoire que je viens de vous conter est purement fictive, mais osez me dire que personne ne connait un adolescent mal dans sa peau à cause d’une relation amoureuse ou autres maux qui provoquent une dépression passagère ? N’importe quel enfant ou même adulte qui rencontre ce genre de problème peut sans aucun effort aujourd’hui se procurer en vente libre et sans aucun contrôle des médicaments potentiellement dangereux !
Le pire dans tout ça ? C’est qu’il faudra surement attendre que ce triste scénario devienne réel avant une prise de conscience collective

Que certains sites ne soient pas encore totalement sécurisés je veux bien l’entendre (bien que cela ne semble pas réglo vis à vis des epharmacies qui respectent scrupuleusement les règles), mais qu’au moins l’humain suive derrière…

Extrait des conditions générales de vente de ce site:

« PharmaGDD ne peut être tenue responsable pour des dommages de toute nature résultant d’une mauvaise utilisation des produits commercialisés »

Ou encore:

« Chaque commande en ligne de médicaments est contrôlée par un pharmacien. Au vu des éléments renseignés dans le questionnaire prévu à cet effet, ce pharmacien validera ou annulera votre commande. Le pharmacien pourra aussi vous contacter pour des informations complémentaires avant de valider ou refuser votre commande »

Nous touchons ici le fond du problème. La vente oui, mais le métier de pharmacien n’est il pas avant tout le conseil personnalisé et l’accompagnement du « patient » ?

Ceci n’est qu’un simple constat. Le système de vente en ligne n’est pourtant pas remis en cause. Comme le font déjà certains, il faudra pour que ce système soit sûr pour trouver le moyen de concilier la vente des médicaments sur internet et le conseil en officine…

4 réflexions sur « Les limites de la vente sur internet »

  1. Virgile

    Triste fiction qui risquerait bien de devenir réalité effectivement.

    Vous évoquez le « conseil personnalisé » et l’accompagnement du patient dans votre article, malheureusement internet a pris la place des « médiateurs » et de « ceux qui savent » (ici le pharmacien).

    Nous le déplorons depuis la création de notre site de mise en garde « vigilance internet » : l’internaute ne demande pas conseil sur le web, il glane quelques infos et va acheter directement sur une boutique en ligne, car (puisqu’il n’y a pas de conseil entre autres) c’est moins cher.

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  2. Pichon L

    Et les associer au breuvage dans le fond près du manche à balai, celui dont il ne faut pas (non plus) abuser, c’est bien ?
    🙂
    (bon choix gustatif, cependant)

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  3. Marcaurel

    Je viens de tester, il est possible de commander, en une fois, sans aucune mis en garde, 40g de paracetamol, largement de quoi tuer plusieurs personnes…
    Je suis en outre scandalisé par des clauses juridiquement discutables dans les CGV:
    « Pharma GDD ne peut pas être tenue responsable pour des dommages de toute nature résultant d’une mauvaise utilisation des produits commercialisés. »
    ceci est contraire au Code de la Sané Publique, le pharmacien delivre des medicaments en donnant des conseils et ne peut s’affranchir de sa responsabilité en cas de manque d’information ou d’incompréhension.
    « Pharma GDD ne peut être tenue responsable des modifications effectuées sur des produits par le fabricant. »
    Non mais il est tenu de transmettre l’information si celà se produit!

    « Les indications de type dosages, contre-indications sont présentes à titre indicative. Seules les notices fournies avec ou sur le produit par le fabricant doivent être prises en considération par le client. »
    FAUX et Archi FAUX, les Résumés des caractèristiques du produits, les notices sont des informations médicales que la personne ou l’entité qui les diffuse doit MAITRISER… en assurant une mise a jour adequat des informations medicales qu’il diffuse sur son site.

    « Pharma GDD a choisi La Poste pour l’acheminement de vos colis ne dépassant pas les 30 kg.  » J’espère que pharmaGDD audite la poste pour vérifier que ce prestataire respecte les BPD…

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